Avatar, le cinéma du nouveau millénaire
Il y a des films qui marquent d’une pierre blanche l’industrie cinématographique. 2001, Star Wars, Blade Runner, Jurassic Park, Starship Troopers, le Seigneur des Anneaux… La liste est incomplète et tous ces films ont d’une manière ou d’une autre changé la façon dont on allait faire du cinéma de SF ou fantasy.
Avatar de James Cameron est sans aucun doute une révolution technologique et la porte ouverte vers de nouvelles sensations cinématographiques. Côté histoire, c’est pas mal, sans plus. Un bon spectacle familial pour les fêtes de fin d’années. J’attendais quelque chose de plus tranchant de la part du réalisateur d’Aliens mais James Cameron a changé et a délaissé les épopées guerrières pour la fable écologique, façon Miyazaki (mais en beaucoup moins subtil).
Donc, pour ceux qui l’ignorent encore, Avatar raconte l’histoire de la planète Pandora, habitée par une race de géants bleus primitifs, les Na’Vi. Le sous-sol de la planète renferme des minerais qui intéressent fortement les Terriens mais il se trouve que les principaux gisements se trouvent sous les habitations et les sanctuaires des Na’Vi. L’atmosphère de Pandora étant toxique, les humains « pilotent » des avatars grandeur nature pour prendre contact avec les Na’Vi et les persuader de se laisser exploiter. Jake Sully, le héros de l’histoire, marine en fauteuil roulant, est choisi pour utiliser un des avatars et espionner les Na’Vi. Il est interprété par Sam Worthington, valeur montante des films de SF depuis Terminator 4. Lors de sa mission il rencontrera une belle princesse Na’Vi (Zoe Saldana, aperçue dans Star Trek) et on devine sans peine la suite.
Le reste de l’histoire est hautement prévisible, et évoque Princesse Mononoke ou Danse avec les loups. C’est une gentille fable écologique, avec des personnages bien caricaturaux et des rebondissements qu’on voit venir à des kilomètres. James Cameron n’a jamais été très doué pour raconter des histoires complexes et ses films valent surtout pas leur univers singulier et leurs scènes d’action époustouflantes.
Cameron explore depuis toujours les frontières du cinéma et ses films ont souvent été un prétexte pour tester de nouvelles techniques, et notamment l’utilisation d’images générées par ordinateur (voir la créature liquide dans Abyss en 1989, le T1000 de Terminator 2 en 1991 et la reconstitution du Titanic en 1998). Depuis Titanic, James Cameron s’est consacré à la réalisation de documentaires, a testé la 3D et a admiré le travail réalisé par ses collègues (le Gollum de Peter Jackson notamment).
Avatar est donc avant tout l’aboutissement d’un rêve, celui de créer une planète entière et ses habitants, et de proposer le premier film 3D de science-fiction. Et ça marche ! L’imagerie numérique a fait des progrès époustouflants et on n’arrive plus à discerner le réel de l’imaginaire. Les Na’Vi et leur aspect hyper réaliste sont le clou du spectacle. On sait bien qu’ils sont interprétés par des acteurs et que leurs mouvements sont générés en motion capture, mais je n’ai jamais vu autant de réalisme dans la texture de la peau et les mouvements des muscles. De plus on reconnait parfaitement les acteurs qui se cachent derrière les Na’Vi et la qualité d’interprétation est conservée (mention spéciale à Zoe Saldana). La forêt de Pandora est également époustouflante et sa flore lumineuse et colorée n’est pas sans évoquer celle des fonds sous-marins (un souvenir des documentaires aquatiques de James Cameron ?).
Avatar en 2D c’est impressionnant, mais alors en 3D c’est un vrai rêve de cinéphile. Se déplacer parmi les marines, chevaucher des reptiles volants, assister aux cérémonies des Na’Vi en totale immersion, c’est quand même assez incroyable. Il faut aussi ajouter que James Cameron joue très intelligemment de la 3D et n’utilisent jamais d’effets faciles, comme de nous balancer des trucs à la figure. C’est clair que ce film est techniquement révolutionnaire, même si ce n’est pas le premier film en 3D (en 1995, Jean Jacques Annaud avait déjà fait du bon boulot avec les Ailes du Courage). Le plus impressionnant est que James Cameron arrive à créer de la matière et du relief à l’aide de choses qui n’existent pas (comme la faune de Pandora) et que c’est vraiment déconcertant. On a l’impression d’être à l’intérieur d’un jeu vidéo.
Voici quelques extraits d’un interview accordée par James Cameron au site Excessif : Relief et cinéma virtuel et le fond et la forme.
Avatar est certes un film, mais c’est plus que cela : c’est une expérience à part, à cause de la 3D principalement. Il y a une histoire, des personnages, de l’action, des sentiments, mais il y a également une proposition d’immersion totale. J’ai conçu ce projet pour emmener les gens sur une autre planète. Lorsque j’ai monté le film en 2D, j’ai vu que l’histoire fonctionnait tout aussi bien, mais je me suis aussi rendu compte que l’impact visuel n’était pas aussi puissant. [..] Et en cela, l’« Avatar Day » a été un bon moyen de faire prendre conscience aux différents acteurs de l’industrie, et notamment aux exploitants, que la révolution 3D était en marche et qu’elle allait changer la façon de voir un film en salles.
La surpopulation continue de croître, la consommation des énergies fossiles ne cesse d’augmenter, l’industrialisation de nos civilisations emploie de plus en plus d’énergie. Et puis, nous abusons de l’environnement naturel : nous pêchons largement trop dans les océans, la biodiversité va de mal en pis… On va passer un sale moment dans les vingt, trente prochaines années. Tout le monde, ou presque, a conscience de ces faits, et pourtant personne ne veut se confronter à cette atroce réalité et admettre la vérité suivante : notre façon de vivre ne peut plus durer. Il faut prendre ce problème à bras-le-corps dès maintenant parce que notre destin, en tant que race, sera de nous confronter à cette problématique d’une façon ou d’une autre. Et plus nous serons passifs quand cette confrontation surviendra, pire ce sera. Or, je pense qu’un grand film populaire contemporain, surtout s’il est aussi destiné aux enfants, doit permettre de passer un très agréable moment certes, mais tout en conduisant les spectateurs à réfléchir à ce genre de problème.