Impressions de Versailles
Il y a de nombreux exemples où un seigneur mégalomane, riche et puissant, a décidé de marquer son temps en faisant construire une œuvre architecturale grandiose, destinée à perdurer à travers les siècles. C’était l’occasion également de réunir de nombreux artistes et génies autour d’une œuvre monumentale, quitte à vider les caisses de l’Etat et à affamer les populations. La pratique perdure encore de nos jours (chacun de nos présidents a voulu faire construire son chef d’œuvre d’architecture) mais fort heureusement les ouvrages d’art ne sont plus réservés à une élite et sont désormais destinés à servir la population (enfin en principe).
Louis XIV avait un rêve : celui de faire d’une campagne marécageuse et insalubre un vaste parc ordonné et boisé, avec des fontaines, des jardins et un plan d’eau où vogueraient des bateaux. Le vieux pavillon de chasse de Louis XIII, deviendrait un palais de conte de fée, où le Roi Soleil pourrait organiser ses fêtes et recevraient les artistes de l’époque et les grands de ce monde. Grâce à la fortune confisquée à Fouquet et au génie de Louis Le Vau et de André Le Nôtre, le roi put donner libre cours à ses délires, et offrit un somptueux héritage à ses successeurs.
On peut discuter sans fin de la futilité et de la vanité des rois, il n’empêche que cette œuvre traverse les siècles et se trouve désormais ouverte au public, n’en déplaise aux fantômes des courtisans et des nobles d’autrefois. Classé patrimoine mondial, le château de Versailles et son parc sont désormais livrés aux hordes touristiques.
Le château en lui-même est un bâtiment imposant et ornementé, fait pour impressionner lorsqu’on arrive par la cour d’honneur. Je me suis laissé tenter par une visite commentée, avec un nombre limité de visiteurs et un guide érudit et passionné, qui nous a montré des lieux peu connus (l’opéra royal notamment, construit par Louis XV). Après cette visite confidentielle et passionnante, je me suis risqué dans le palais et je n’ai pratiquement rien vu, à cause de la foule touristique. Trop de monde, ça gâche tout ! Tout se que je voyait c’était des bouts de marbres, des dorures et des morceaux de boiseries. La fameuse Galerie des Glaces ressemblait à une place de marché le samedi matin, et les œuvres d’art de Murakami étaient dissimulées par la foule (heureusement). J’ai laissé tomber, pour aller faire un tour dans le « modeste » jardin du roi.
La première chose qu’on voit ce sont des parterres de fleurs sauvages et désordonnées qui donnent un aspect joyeux à ces vieilles façades. On peut dire merci à Alain Baraton, pour avoir abandonné les plantations traditionnelles et ordonnées au profit de ces morceaux de nature sauvage.
On s’avance un peu et on voit la perspective vertigineuse, qui va jusqu’au canal et à la Petite Venise. Des jardins, des bosquets, un parc, puis un lac puis encore un parc…. C’est démesuré, c’est dingue, ça dépasse l’imagination. On peut marcher des heures, et même des jours sans voir un bâtiment, sans croiser une voiture. Pas étonnant que des gens se perdent dans le parc ! Le roi Louis avait un sacré jardin… La tempête de 1999 est passé là-dessus et causé d’importants dégâts. Heureusement tout semble revenu dans l’ordre…
Il faut les découvrir à pied, ces jardins, apaisé par la musique d’époque qui surgit à travers les haies, en essayant d’imaginer ce que cela devait être, un vrai orchestre du 18e siècle, jouant pour le plaisir des belles dames et des courtisans sournois. Le week-end, les jardiniers ouvrent les vannes des innombrables fontaines et cela ajoute un charme supplémentaire et raffiné à tout cet espace. Rien que découvrir les fontaines qui se cachent dans les bosquet et observer la chorégraphie aquatique du bassin du miroir, cela demande bien une demi journée.
Si on est courageux, on peut pousser jusqu’au Trianon (le grand et le petit), et découvrir le domaine de Marie Antoinette. La Reine s’était inventé un monde imaginaire, loi des fastes de la cour. Elle se réfugiait dans un mini village conçu pour elle, où elle jouait à la fermière et invitait ses copines et quelques galants… Autant le parc est majestueux, démesuré, sophistiqué, autant les jardins de la Reine sont simples et campagnards. Enfin quand on parle de campagne, c’est d’une campagne idéalisée qu’il s’agit, un vrai univers à la Walt Disney.
Je n’ai pas croisé le fantôme de Marie Antoinette et il a fallu refaire tout le chemin du retour jusqu’au château, traverser les hordes de japonais et prendre le RER… Les rêves ne durent qu’un temps mais je reviendrai, je n’ai pas tout vu !