Krypton : aux racines du mythe

On connait tous l’histoire… Une civilisation avancée mais décadente, une catastrophe planétaire, un bambin expulsé dans une capsule de sauvetage… Le début de l’histoire pour Kal-El, le « dernier fils de Krypton », qui deviendra Superman sur sa planète d’adoption, la Terre…

Mais que sait-on finalement de la civilisation kryptonienne ? Pas grand chose… Quelques bribes entrevues dans la Forteresse de Solitude et une poignée de kryptoniens criminels, qui furent les premiers ennemis de Superman : le général Zod et ses acolytes. Il y a donc un grand mystère qui plane sur Krypton, et c’est ce que cette nouvelle série tente de nous dévoiler.

Le projet Krypton est né en 2014, au moment où la série Gotham (sur l’enfance de Batman) était lancée et connaissait un vif succès.  Et puis il y avait eu le reboot réussi de Superman, un an auparavant. Pourquoi ne pas faire une nouvelle série TV, centrée sur l’origine de Superman ? Problème, il y avait déjà un  truc appelé Smallville, consacrée à la jeunesse du superhéros. Il fallait faire autre chose, et remonter plus loin dans le temps.

C’est David Goyer, le scénariste de Man of Steel, Dark Knight, Ghost Rider, Blade (et j’en passe) qui fut en charge du dossier. Un expert incontesté de l’adaptation de comics au cinéma, et un bonhomme qui connait le mythe sur le bout des doigts.

Après 4 ans de développement, Krypton est enfin sorti et a été diffusé sur SyFy. Entretemps, il y a eu Batman vs Superman, et le désastreux Justice League, ce qui explique un certain manque d’empressement à sortir une nouvelle série super-héroïque (alors qu’il y avait déjà Supergirl, Arrow, Flash…). Pas envie de se planter !!

Abreuvés que nous sommes d’adaptations de comics, qui déboulent régulièrement sous forme de films, animés, séries tv, jeux vidéos, il est devenu très difficile de nous surprendre. L’indigestion guette, les fans sont en embuscade pour hurler à la trahison, et il faut bien dire qu’on en a marre de tous ces héros costumés.

Aussi, quand une adaptation de comic books parvient à étonner, non pas par quelque chose de totalement inédit (ça devient presque impossible) mais plutôt par une saveur, une couleur, un ton qui change de l’ordinaire, on est plutôt content… En ce sens, Krypton a été une bonne surprise, bien que cette série ait aussi ses défauts.

Tout d’abord il n’y a pas de super-héros. Rien. Nada. Pas une étincelle de super-pouvoirs. Les Kryptoniens sont des gens comme nous. Ils ne sont pas particulièrement malins, ni sages, et la série nous montre une société à la fois technologique et féodale, en proie à des luttes de pouvoir, dominée par un système de castes, et une religion basée sur l’adoration du Soleil Jaune (tiens tiens…). Malin, David Goyer a choisi de présenter une histoire qui se déroule bien loin en arrière (plus de 200 ans avant Superman), afin nous soyons complètement paumés. Par là même, il s’oblige aussi à de pas capitaliser sur la somptueuse introduction de Man of Steel, qui nous montrait les derniers jours de Krypton.

Dans la série TV, Krypton est une planète hostile, ténébreuse, à peine éclairée par un soleil rougeoyant, où l’environnement naturel n’est que montagnes déchiquetées et tempêtes de glace. Les Kryptoniens sont obligés de vivre sous dôme, dans des métropoles où il y a des « sans rang » qui vivent dans le caniveau et de grandes familles qui dirigent les principaux instruments du pouvoir.

Là-dedans, David Goyer vient glisser avec habilité  des éléments de la mythologie, tels que la famille Zod, la menace Brainiac, l’horrible Doomsday et autres éléments que l’on connait au travers des comics. Tout prend sens, tout est diablement cohérent.

L’intérêt n’est pas tant de suivre les déboires du grand-père de Superman, qui est sensé empêcher l’anéantissement de son petit-fils (un fil de l’histoire qui sera rapidement mis de côté) mais plutôt de découvrir un monde à la Game of Thrones, mâtiné de SF (vous avez dit Dune ?). Une société fascinante, et un monde d’une richesse insoupçonnée…

La réalisation tient la route, avec son ambiance opaque et ses ombres menaçantes. Brainiac est conforme à son personnage dans les comics et le respect de l’œuvre est là, même plusieurs de twists ont du faire sursauter les fans (le général Zod serait le fils de… et donc l’oncle de ….).  Au final, c’est étonnamment sombre pour une série grand public, plus sombre encore que Gotham (qui présente des moments de franche bouffonnerie).

David Goyer a su montrer la richesse de l’univers DC, et les possibilités infinies qui existaient en matière de récit. En partant d’un projet a priori casse gueule, il a réussi à changer le plomb en or,  et à innover, tout en conservant de quoi satisfaire les fans. Du grand art !

Les défauts subsistent : des personnages parfois trop caricaturaux (bizarrement Zod est beaucoup plus intéressant et subtil que Seg-El). Une intrigue qui semble parfois se fourvoyer et naviguer à vue, avant de se reconsolider sur la fin.

Il reste néanmoins un bon moment passé dans un monde lointain, une immersion dans une nouvelle civilisation, et de nombreux mystères à élucider. A-t’on changé le cours de l’histoire, comme le laisse entendre la fin de saison ? Est-on passé dans un univers parallèle, comme JJ Abrams l’avait fait avec Star Trek ?

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