Dune (John Harrison – 2000)
A la fin des années 90, le producteur Richard P. Rubinstein engage le réalisateur John Harrison pour créer une nouvelle adaptation de Dune, sous forme d’une mini-série télévisée. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps, pour avoir travaillé ensemble sur Tales from the Darkside et Creepshow.
En 2000, la série télévisée Dune est diffusée sur Sci Fi (qui ne s’appelle pas encore SyFy). Elle a été tournée aux studios Barrandov à Prague en 1999, et a rassemblé de nombreux talents tels que Vittorio Storaro (directeur photo sur Apocalypse Now) et Theodor Pistek (concepteur des costumes sur Amadeus). Et pourtant, le résultat n’est pas brillant….
Un style cheap et kitsch
On peut oublier le travail artistique et baroque du film de David Lynch : à côté de la précédente adaptation, le film de John Harrison fait pâle figure. Tout d’abord, le choix du tout numérique est hautement discutable, à une époque où les effets numériques sont encore très couteux. Le résultat est digne d’un jeu vidéo de l’époque, c’est à dire complètement dépassé, on a l’impression de voir le travail de photoshopistes fous.
Quelques décors en dur sont disponibles ici et là mais la plupart du temps il y a un fond peint en arrière plan, qui nous donne l’impression de regarder une pièce de théâtre. Résultat, on voit bien que les acteurs se démènent comme ils peuvent dans un studio et qu’ils font semblant d’être dans le désert ou dans un palais…
John Harrison abuse aussi d’éclairages multicolores pour indiquer le passage du jour à la nuit et pour souligner de façon pas très subtile l’intensité dramatique de certaines scènes. Le résultat ressemble à un clip vidéo ou à un giallo inspiré de Dario Argento, ce qui est fort déroutant pour un film de SF.
Quant aux costumes, ils sont dans la plupart des cas assez ridicules, et n’aident pas vraiment à entrer dans l’univers. Le style vestimentaire, qui fait penser à du Jean-Paul Gaultier, n’est pas vraiment approprié à ce type d’histoire, dont la tonalité n’est pas franchement fun (A noter que le 5e Élément est sorti au ciné 3 ans auparavant, il faut croire que John Harrison l’a vu ).
Des acteurs globalement peu inspirés
Le casting est très déconcertant, avec des acteurs qui n’ont pas vraiment la tête de l’emploi et qui semblent se demander ce qu’ils font ici. William Hurt fait ce qu’il peut pour donner une impression de noblesse et de fermeté dans son rôle du Duc Leto, mais il est complètement à contre-emploi (d’ailleurs dans le roman, Leto est décrit comme ayant les cheveux noir et le teint basané, pour la fidélité on repassera…). Idem pour Saskia Reeves, dont le côté sensible et maternel est peu compatible pour le rôle de Dame Jessica (qui dans les romans est une personne dangereuse et manipulatrice).
De nombreux figurants donnent l’impression d’avoir été casté au hasard, dans les rues de Prague, ce qui contribue à donner un film peu cohérent et un peu décousu (on voit des Fremen grassouillets).
Il reste cependant quelques acteurs qui font mouche, dont l’acteur principal (heureusement d’ailleurs). Le jeunot Alec Newman arrive à nous montrer le parcours initiatique du héros, et sa transformation complète, passant du jeune nobliaux écervelé au redoutable guerrier et politicien que l’on connait sous le nom de Muad’dib.
Le fils du Duc n’est pas un enfant de chœur, non content d’assouvir sa vengeance contre les Harkonnens et tous ceux qui ont contribué à la chute du Duc Leto, il va se proclamer Empereur à la place de l’Empereur et installer une dictature brutale pour les millénaires à venir (mais cela est raconté dans les autres romans de Frank Herbert). Dans cette mini-série on sent bien que le héros n’en est pas toujours un…
Un scénario fidèle ?
On peut quand même reconnaître une chose à John Harrison : il a collé le plus possible au récit de Frank Herbert et a assuré une adaptation la plus fidèle possible. Force est de constater que beaucoup de personnages sont là, que les évènements sont racontés à l’identique par rapport au livre, et que la profondeur est là, beaucoup plus que dans le film de David Lynch.
Si l’on oublie les problèmes de réalisation cités plus haut, le fait de créer une série TV sur la durée (4h30) permet évidemment de creuser davantage et de détailler le mode de vie des Fremen, les intrigues politiques de la Guilde, les machinations du Bene Gesserit, etc… La Princesse Irulan y gagne en consistance, avec un rôle à part entière, ainsi que le Comte Fenring, conseiller de l’Empereur.
Conclusion
Un bon scénario mais une réalisation catastrophique et des effets spéciaux miteux : pour moi, cette mini-série a été lancée trop tôt, à une époque où les effets spéciaux étaient encore trop chers, même sur SciFi. Le low cost ne pardonne pas, pour un sujet aussi ambitieux ! Avec un réalisateur inspiré, le manque de budget n’aurait pas été un problème, mais John Harrison s’est enfoncé dans ses erreurs…
Quelques années plus tard, il y aura la claque Battlestar Galactica, qui remettra toutes les pendules à l’heure en termes de space opera épique et réaliste. Peut-on imaginer 5 minutes que Ronald Moore et son équipe se soient intéressé à Dune ? On aurait eu là un sacré spectacle !
John Harrison poursuivra son travail en adaptant les deux romans suivants de Frank Herbert (j’en parlerai la prochaine fois), pour un résultat sympathique mais qui n’impressionne pas vraiment.
Une nouvelle adaptation de Dune est en préparation au cinéma, toujours produite par Richard Rubinstein. A ce jour, deux réalisateurs ont été choisis puis retirés du projet (Pierre Morel et Peter Berg), et la firme Paramount a jeté l’éponge… Plus de renseignements sur DuneInfo.com