Deadwood 2019 : un goût d’inachevé
Qui se souvient de Deadwood ? Bien avant Games of Thrones, c’était une série phare de HBO, diffusée de 2004 à 2006, et célèbre pour son côté brut, mêlant sexe et violence pour une imagerie du western bien loin des clichés habituels.
La série était portée par des acteurs de premier choix, comme Timothy Oliphant en marshall caractériel, Ian McShane en patron de maison close, Brad Dourif en docteur grognon, et j’en passe et des meilleur(e)s. Des gueules comme dans les films de Sergio Leone, et des personnages souvent pleins de vices, pour qui un meurtre n’est pas plus difficile que d’essuyer une tache de café.
Peu de bienveillance dans cet univers glauque et désespérant, qui voyait s’affronter le « gentil » marshall Bullock contre le « méchant » Swearengen, sous les yeux de quelques légendes de l’Ouest (Calamity Jane, Wild Bill Hickok, Wyatt Earp), avant que tous deux fassent alliance contre un ennemi commun.
Après deux saisons assez époustouflantes en termes de dialogues et de péripéties, la troisième et dernière saison laissait un goût d’inachevé… Le grand méchant repartait sans être inquiété, laissant la communauté un peu hébétée, après l’assassinat d’un de ses membres (Jim Beaver / Ellsworth). Alors que toute la saison trempait dans une ambiance de guerre imminente, tout se finissait sur un abandon du terrain.
Las saison 3 montre aussi une certaine lassitude, une difficulté à trouver de nouvelles histoires à raconter dans les rues boueuses de Deadwood et à faire vivre les personnages sans qu’ils se répètent. D’ailleurs HBO annula la série, pour des raisons budgétaires, et promit à son créateur (David Milch) que deux téléfilms permettraient de conclure l’histoire. Il n’en fut rien.
C’est finalement 13 ans plus tard, en 2019, qu’une suite est donnée à Deadwood, toujours avec la même équipe et le même casting. Un téléfilm de 1h30, diffusé sur HBO, pour conclure la série ?
Et bien, pas vraiment… Passée la surprise de découvrir les acteurs avec des années supplémentaires (en allant du « comme il a vieilli » au « tiens, il n’a pas changé »), le film ronronne, présentant toujours son ambiance de western réaliste, mais sans surprises et sans vraiment d’histoire à raconter. Les personnages sont plus ou moins à la même place qu’il y a 13 ans, et ils n’ont pas évolué (à part les rides et cheveux blancs). Le côté brut est toujours là, mais a perdu de son originalité car beaucoup de séries et de films ont puisé dans la même veine (comme par exemple Django Unchained et Hell on heels).
Au final, Deadwood présente un beau décor, de bons acteurs, mais une machine qui tourne à vide, et qui n’apportera aucune conclusion satisfaisante. Comme dans la saison 3, la tension monte, les flingues sont dégainés, mais tout finit par retomber comme un soufflet.
Peut-être aurait-il fallu sortir des maisons en bois et des ruelles boueuses de la ville, et aller voir du côté des montagnes et des villes voisines. Peut-être aurait-il fallu prendre un peu plus de liberté avec le côté historique et s’affranchir des histoires d’épicier de village, qui ne sont guère passionnantes.
Le film rate aussi le coche de la frise historique, façon Scorsese… Un gap de 13 ans était l’occasion de présenter les évolutions de la société américaine, comme l’arrivée de l’électricité et de l’automobile, par exemple. Bref, c’est un rendez-vous manqué, comme une belle réunion de famille, qui se révèlerait au final ennuyeuse et décevante.