Wonder Woman : à côté de la plaque
Il y a eu un goût d’inachevé, un parfum de rendez-vous manqué après visionnage de Wonder Woman, annoncé comme un grand souffle de fraicheur sur l’univers DC Comics au cinéma, jusque-là dépourvu de super-héroïnes… Des années qu’on en parle, un délai interminable pour trouver l’actrice adéquate et pour rédiger une histoire dans l’air du temps. C’est le reboot réussi de Superman qui a motivé les studios à relancer de nouvelles franchises (à venir : Flash, Aquaman, Cyborg…), et il y avait certainement des choses à faire pour oublier faire la série avec Lynda Carter. A noter qu’une tentative de reboot de la série avec Adrianne Palicki a eu lieu en 2011 mais n’a pas été jugée assez concluante (photo ci-dessous). Peut-être parce que Wonder Woman portait un pantalon ?
Bref, en 2017, après Batman et Superman, on s’attend à quelque chose proposant des scènes d’action spectaculaires, mais aussi un peu de réflexion autour des personnages, et une ambiance sombre et adulte. Pour le moment le côté psychologique et torturé est ce qui différencie le plus les DC Movies des Marvel Movies (je mets volontairement de côté les séries TV type Arrow, Flash, Supergirl, etc… qui sont plutôt calibrées pour un public familial et adolescent).
Wonder Woman, comme tout pilote de licence super-héroïque, raconte les origines du personnage et les raisons de son combat. Et il y a plein de choses à raconter : l’histoire d’une jeune fille qui vit à la mode antique dans une île paradisiaque, et qui découvre le monde moderne, mais aussi les hommes et les horreurs de la guerre. L’histoire d’une princesse qui est fascinée par les combats de jadis, et qui veut faire ses preuves et s’envoler hors du nid familial. L’histoire d’une fille dotée de pouvoirs hors du commun, qui s’interroge sur ses origines. Tout cela est un terreau riche et fertile, et on en parle de tous ces éléments dans le film mais le résultat est fade, sans relief, sans originalité….
Diana Prince s’intègre ainsi en quelques heures à l’univers urbain de Londres et à un monde masculin où les femmes sont reléguées au rang de secrétaires. A l’exception de quelques gags sur le choix d’un tenue correcte et d’un petit esclandre dans un conseil de guerre, Wonder Woman est bien sage, et rentre bien trop facilement dans le moule (alors qu’elle est sensée être une princesse quasi divine, issue d’une culture matriarcale).
Autre point qui me gêne un peu aussi : après avoir passé des années à apprendre le maniement des armes et l’art de la guerre (après tout, elle est l’héritière de la reine des amazones), Wonder Woman n’a aucune discipline, aucune finesse, et sa seule stratégie est de foncer dans le tas en hurlant, à la façon d’un Hulk déchainé. En résumé, c’est une fille jolie mais pas très futée, du même acabit que les adulescentes que l’on croise dans Divergente, The 100 et autres créations calibrées pour les jeunes en quête de révolte mais pas trop…
L’histoire aligne aussi les poncifs et lieux-communs (tous les allemands sont des salopards) et le combat final contre le boss de fin de niveau (un vieux à moustache dans une armure de colosse) est ridicule. Les personnages secondaires sont inexistants, et jouent les potiches de service (juste retour des choses dans un film de super-héroïne) à l’exception de Chris Pine (et encore son jeu d’acteur est assez limité).
Bref, le scénario est hautement prévisible et Wonder Woman manque terriblement de personnalité. Non pas que Gal Gadot ne fasse pas le job : elle est athlétique, fougueuse et fait honneur à son costume, mais on n’y croit pas, et son personnage est à côté de la plaque. Un manque de présence et de charisme fort regrettable.
Je connais surtout Diana Prince au travers des dessins animés DC et de la série Injustice – Gods among us. Pour moi, Wonder Woman est une guerrière impitoyable, presque une brute (elle a été élevée selon les coutumes antiques, ne l’oublions pas). Elle est capable de massacrer ses ennemis sans se poser de question et n’est pas du genre à prôner l’amour sur Terre et le respect de la Convention de Genève. Elle est aussi hyper féministe (son côté amazone) et n’accorde que difficilement sa confiance à un homme.
Bref, elle devrait avoir un côté badass, limite psychotique… Cette dureté est absente de son incarnation au ciné (bon il est vrai qu’il s’agit d’une préquelle, et que Wonder Woman est encore bien jeune). Un lissage en règle, qui fait qu’elle apparait bien candide face à ses collègues masculins.
Ce film tente de faire le grand écart entre l’ambiance sombre et torturée des précédents films DC (Batman, Superman, Watchmen…) et lorgne vers Marvel pour le côté fun et premier degré. Un dosage impossible qui fait que Wonder Woman est un sympathique divertissement, mais qui ne révolutionne pas le genre.