En 1995, le public occidental découvrait, médusé, le film d’animation Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, adapté du manga de Masamune Shirow. Jamais on n’avait vu ça, et le film (à ce niveau de réalisation on peut bien parler d’un film) est rapidement devenu culte.
La beauté des images, la musique envoutante, le réalisme, le mélange de polar et de science fiction, et surtout la plongée dans un futur proche, où l’humain fusionne avec la machine, ont influencé quantité d’autres auteurs (au même titre que Mamoru Oshii a sans doute été influencé par Blade Runner et William Gibson). Ce n’était pas seulement un animé, mais aussi une réflexion sur l’évolution de l’humanité et l’avènement de l’intelligence artificielle. Et c’était aussi le portrait d’une héroïne incroyable, très forte (une vraie machine de guerre) et pourtant très humaine et tourmentée.
Ghost in the Shell (1995) a été suivi d’un autre film d’animation, de 3 séries télévisées (la dernière, Arise, date de 2015) et de plusieurs jeux vidéo.
L’adaptation en live est depuis longtemps un rêve de fan, mais il faudra attendre 2008 pour que les droits d’adaptation soient acquis par Steven Spielberg, puis attendre à nouveau 6 ans pour le projet voit le jour, sous la direction du novice Rupert Sanders, réalisateur de Blanche Neige et le Chasseur.
Rétrospectivement, après avoir constaté la réussite du Ready Player One de Spielberg, on peut se demander pourquoi ce dernier ne s’est pas attelé à la tâche… En plus, le côté futuriste n’est pas très marqué dans l’œuvre originale : il n’y a pas de voitures volantes et de pistolets laser, et les décors et costumes sont très contemporains.
Étrange objet que ce film IRL Ghost in the Shell, qui, au final se révèle être plus un reboot qu’une adaptation… Chose significative, Mamoru Oshii n’est pas du tout impliqué dans la production (alors que plusieurs séquences de son film sont quasiment transposées telles quelles).
Au casting très international, on retrouve Scarlett Johansson dans le rôle principal, Juliette Binoche et Takeshi Kitano, et plusieurs acteurs peu connus pour incarner les membres de la Section 9. Dés le départ, le choix de Scarlett (auréolée du rôle de Black Widow) pose problème à certains fans, qui accusent Rupert Sanders de whitewashing. Sanders s’en défend en arguant qu’il veut faire un blockbuster mondial, et qu’il doit donc tourner avec une star internationale.
D’une manière générale, le film est effectivement très marqué par la volonté d’occidentaliser les images de Mamoru Oshii, que ce soit au niveau du cast (aucun acteur ne ressemble au personnage qu’il est sensé inerpréter) ou de l’environnement (on a l’impression d’être à New York). Ce qui faisait le charme du film de 1995, un mélange de tradition japonaise et de modernisme, est mis de côté, et du coup le film n’a pas beaucoup d’identité.
Côté scénario, on est tantôt dans un copier-coller du film de 1995, et tantôt dans une réinterprétation totale, comme si Rupert Sanders voulait à fois plaire aux fans et se réapproprier l’univers. On a l’impression qu’il assemble au petit bonheur des morceaux des films de Marmoru Oshii et des séries télévisées, et qu’il n’arrive pas à imprimer sa propre vision. Il était inévitable que les fans soient déçus, et que le grand public soit complètement désorienté. Entre l’adaptation littérale (façon Watchmen), et la relecture (façon Man of Steel), il fallait choisir…
Si on occulte le côté adaptation, le film de Rupert Sanders est visuellement très beau, avec une très belle gestion des couleurs. Les différents personnages qui composent la Section 9 sont malheureusement tous très fades, car très mal écrits. Ils n’ont aucune personnalité, et on n’arrive pas à s’y intéresser. Dans la peau du Major, Scarlett fait le job mais a du mal à susciter l’empathie. (bon il faut dire que jouer un personnage robotique, qui ne sourit jamais, cela n’aide pas à se faire aimer).
Au final, on reste sur une impression mitigée… C’est un film de SF correct, assez bien tourné, mais qui sonne creux, avec des personnages peu attachants, et une réflexion très poussive sur la transhumanité. La débauche d’effets spéciaux donne l’impression de parcourir un jeu vidéo, au détriment de l’histoire. Ce qui était pensé comme une Origin Story à l’américaine, destiné à créer une nouvelle licence de SF a peu de chance d’avoir une suite, et on ne reparlera sûrement pas de ce film dans 20 ans !