Paul Anderson n’est pas un mauvais bougre. C’est un authentique fan de jeux vidéo et de SF et il a une certaine maîtrise technique pour créer des univers imaginaires et fantastiques. On lui doit entre autres choses Mortal Kombat, Event Horizon, Resident Evil 1, Aliens vs Predator 1… Une filmographie qui laisse entrevoir une certain continuité dans le film pur geek.
Paul Anderson est un bon filmeur qui cite sans complexe de nombreuses références cinématographiques (Mad Max, Alien, la Nuit des Morts Vivants…) mais pas forcément avec beaucoup de subtilité. Le gros problème de ses films a toujours été le scénario et les dialogues : Paulo ne sait faire que des personnages bien caricaturaux, immédiatement reconnaissables (lui c’est le méchant, elle c’est l’héroïne, lui c’est un traitre…) et affublés de dialogues assez ridicules. Le film le plus subtil qu’il ait réalisé à ce jour est Course à la Mort… enfin quand je dis subtil…
Avec la saga filmique des Resident Evil, Paul Anderson a dû transiger entre plaire aux fans de la série ludique et assouvir ses propres fantasmes de films de SF/Zombie/Apocalypse/Western/Polar/Comédie romantique (rayer la mention inutile).
Le premier film (réalisé en 2002) était un hybride assez surprenant et finalement pas si mal, même s’il a ulcéré les fans hardcore du monde entier. Il y avait de très bonnes séquences (comme le fameux couloir aux lasers), une vraie ambiance fantastique et des FX qui tiennent encore la route.
A l’occasion du tournage, Paulo est tombé sous le charme de Milla Jovovich, avec laquelle il forme désormais un couple uni et on peut dire que chaque Resident Evil est une ode à sa petite femme ou du moins à l’idée qu’il s’en fait : une super guerrière ninja mutante qui décime zombies et soldats d’élite avec une facilité déconcertante, telle une Lara Croft adepte de kick boxing.
Paul Anderson et Milla Jovovich (source : Celebrific)
Partant de là, la série s’est centrée sur le personnage d’Alice et sur sa lutte contre la fondation Umbrella. Difficile de croire qu’il y a une continuité scénaristique délibérée entre les films, qui semblent improviser des histoires au fur et à mesure. Enfin bon, faire de Milla un sujet d’expérience récalcitrant et la suivre dans tous ses délires vestimentaires, pourquoi pas. (Allez en bonus, un aperçu des délire vestimentaires en question tout le long des 4 films – cliquer pour voir en grand)
Milla Jovovich dans Resident Evil : une victime de la mode
Paulo a produit Resident Evil 2 : Apocalypse et Resident Evil 3 : Extinction et laissé la main à d’autres filmeurs, contraints d’insérer vaille que vaille les personnages des jeux vidéo dans la trame, tout en perpétuant le culte d’Alice. Le résultat est de moins en moins compréhensible pour les non initiés et la série est sans aucun doute une des plus bricolée de l’histoire du cinéma, repoussant sans cesse les limites du délire et du mauvais goût. Et pourtant, il y a des trouvailles, telles des perles cachées dans la vase. Il faudrait pouvoir sélectionner les meilleurs moments de chaque film et les monter bout à bout !
Sorti en 2007, Resident Evil 3 se passait dans un monde post-apocalyptique et désertique, ce qui permit à Russel Mulcahy de faire un mélange de western et de Mad Max pas très digeste. La seule bonne idée du film était de montrer non pas une mais de multiples Alice, clonées dans le cadre des expériences d’Umbrella. La scène d’introduction du film, où l’on avait l’impression de revoir Resident Evil 1 avant de s’apercevoir que c’était tout autre chose, reste un grand moment de la série.
Cette Alice n'est pas la vraie Alice !
Partant de là, on pouvait s’attendre dans Resident Evil 4 : Afterlife de voir s’affronter une armée d’Alice et une armée de morts vivants et de paramilitaires. Et bien non ! A part un prologue où l’on voit de multiples Milla Jovovich en combinaison noire moulante décimer de pauvres vigiles, cet aspect est complètement passé à la trappe.
Paul Anderson a repris la main sur le 4e film et veut nous faire croire qu’il va enfin redorer le blason d’une série bien mal partie. Il y a même un personnage antipathique de producteur de film dans RE4, comme si Paulo voulait nous dire « Hey man : C’est pas faute si RE2 et RE3 sont pourris, c’est la faute du putain de producteur ! »
Sauf que le putain de producteur… c’est lui ! Producteur et scénariste même !
Enfin bref, on continue dans le n’importe quoi et le burlesque involontaire. Après « Alice à la plage », voici « Alice prend le bateau », une non-histoire parsemée de personnages de jeux vidéo, dont on se demande ce qu’ils foutent là. C’est quoi ce géant avec un gros marteau ? C’est quoi ces araignées mécaniques ? C’est quoi ces zombies à tête de pieuvre ? C’est quoi tous ces PNJ qui sortent de nulle part ? Au passage, bonjour le gros clin d’œil sur Chris Redfield, qu’on découvre enfermé dans une prison de haute sécurité, et incarné par Wentworth Miller (Prison Break). Subtil !
2 PNJ incarnés par Ali Larter (Heroes) et Wenworth Miller (Prison Break)
Il faut aussi avouer que Milla Jovovich commence à se fatiguer. On perçoit bien la différence de 8 ans qui sépare RE4 de RE1, et l’héroïne n’est plus la jouvencelle guerrière qu’on a connu (la maternité doit y être aussi pour quelque chose). Ali Larter lui vole sans problème la vedette, dans la fameuse scène du Boss au Marteau.
Et la 3D dans tout ça ? C’est pas si mal, Paul Anderson reste un bon filmeur. On a droit à de belles perspectives, à de vertigineuses plongées dans le vide et à une drôle d’impression quand Alice nous pointe ses flingues dans la gueule. Par contre Paul Anderson a voulu être le premier à faire Matrix en 3D et il abuse sans vergogne des ralentis et du bullet time : Pourquoi, monsieur Anderson ? Pourquoi ?
attention, Alice va bientôt faire un massacre
La 3D ne sauve évidemment pas le film, qui enchaîne morceaux de bravoure, changement de maps et monstruosités en dépit du bon sens. C’est la même impression qu’on a quand on joue à un jeu vidéo visuellement bien foutu mais mal écrit et qu’on se dit : » il est bientôt fini ce jeu pour que je passe à autre chose ? C’était le dernier boss j’espère ! »
Malheureusement la fin ouverte du film laisse imaginer un Resident Evil 5 de mauvais aloi : Paul Anderson ne va pas lâcher le filon comme ça !