Archives mensuelles : août 2010

Centurion : attention ça picte !

Le dernier film de Neil Marshall a été honteusement traité par les distributeurs. Il n’est pas sorti dans ma ville, ni même dans mon département ou ma région. Il n’a eu droit à aucune campagne promotionnelle, pas même une bande annonce à se mettre sous la dent et même les critiques les plus underground ont ignoré complètement Centurion.

Bon sang de bois ! Comment peut-on ignorer le nouveau Neil Marshall, réalisateur des cultes Dog Soldiers, The Descent et Doomsday,  symbole du renouveau du cinéma britannique d’aventure et d’action horrifique ?

Il faut croire que Neil a fâché pas mal de monde ou que Centurion était vraiment mauvais…. Et bien non ! Centurion n’est pas si nul que ça, même s’il est en-dessous des précédents films de Neil Marshall.

Centurion, c’est l’histoire d’un groupe de soldats de l’armée romaine, perdus en territoire hostile (l’Écosse antique) et confrontés à une horde de barbares Pictes, à peu prés à l’époque de Gladiator (sous l’empereur Marc Aurèle). Le films s’inspire librement du destin de la Neuvième Légion,

On retrouve donc des ingrédients intéressants, un mélange de film historique, de survival horror et de film de guerre, avec des thèmes qui résonnent avec les précédents films de Neil Marshall (zone barbare séparée du monde civilisée, survie face à des hordes de barbares/monstres, personnage de femme guerrière…).

La réalisation est somptueuse, il faut le reconnaître. Filmé en Écosse, dans des paysages naturels qui laissent pantois, le film est d’une tonalité réaliste et brutale mais moins outrancière que dans Doomsday. Un peu plus subtil que d’habitude (enfin faut pas exagérer non plus), Neil Marshall tente de donner vie à une époque très lointaine et à des personnages qui résonnent bizarrement avec notre monde moderne (Romains vs Pictes = Américains vs Talibans ?).

Olga Kurylenko joue une farouche guerrière Picte

Le réalisateur évite de choisir son camp en présentant des Romains et des Pictes qui sont aussi cruels et malveillants les uns que les autres. Seules quelques personnes se détachent du lot par un certain humanisme, mais le message est clair : à l’époque on ne se faisait pas de cadeaux !

Le film commence par un massacre en règle des forces d’occupation romaine, suivi de la formation d’une communauté (association de plusieurs rescapés de différentes origines sociales et nationalités) qui part mener une quête (libérer leur chef).

Voilà un bon point de départ, qui aurait pu donner lieu à un bon film d’aventure. Malheureusement la quête tourne court et nos Romains s’enfuient comme des lapins pendant tout le restant du film, poursuivis les Pictes. Ce n’est qu’à la fin (alors qu’ils ne sont plus que trois) que nos Romains décident qu’ils en ont marre de courir et qu’ils vont prendre leur revanche.

Neil Marshall sur le tournage de Centurion

Le film se résume donc à ça : des Romains qui se font tuer par des Pictes. Il y a bien quelques digressions pour essayer de nous présenter la culture de l’un ou l’autre des protagonistes, ou des passages de type Man vs Wild qui nous montrent (de façon pas très crédible) comment survivre dans une montagne enneigée en mangeant des champignons.

C’est là où Neil Marshall a foiré son sujet, hésitant trop entre le documentaire historique et le film de guerre, livrant un produit certes soigné mais bancal. Il aurait mieux fait de s’inspirer du 13e Guerrier ! Le scénario souffre aussi de nombreux trous et incohérences (comment diable le centurion Quintus Dias échappe à ses geôliers Pictes ?) et en définitive il n’y a pas assez de rebondissements et de surprises. Peut-être qu’un Director’s Cut arrangera tout ça !

En tout cas, Centurion fait passer un bon moment de sauvagerie et aurait mérité un meilleur traitement de la part de l’industrie du cinéma, vu les gros navets qui remplissent nos salles.

Lovely Bones

Lovely Bones, le dernier film de Peter Jackson, est sorti en salle en février 2009, et il vient seulement d’être disponible à la location (et après, les distributeurs vont se plaindre du piratage !).

Peter Jackson, c’est le Seigneur des Anneaux et King Kong, mais aussi Créatures célestes et Braindead. Lors de la sortie ciné de Lovely Bones (que j’ai loupé), certains critiques parlaient de chef d’œuvre tandis que d’autres évoquaient une guimauve indigeste. Se faire sa propre idée, très longtemps après, c’est bien aussi.

Lovely Bones est une adaptation d’un roman d’Alice Sebold, sorti en 2002, et que je n’ai pas lu. Une histoire très sombre, qui conte l’histoire d’une adolescente, assassinée par un voisin serial killer, et qui observe le monde depuis des limbes paradisiaques. A l’adaptation du roman on trouve Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens, la fine équipe qui avait déjà travaillé sur le Seigneur des Anneaux. (Leur travail était globalement satisfaisant mais je leur pardonne mal certains choix de réécriture).

C’est Saoirse Ronan qui interprète la jeune défunte et sans aucun doute c’est le choix le plus réussi du casting. Cette demoiselle a une spontanéité et une fraicheur qui colle parfaitement au rôle. Elle était déjà assez bluffante dans la Cité de l’Ombre (2008).

Un certain Stanley Tucci joue le rôle du voisin pervers et son interprétation est glaçante. Pour finir, on trouve Mark Wahlberg (qui fait la gueule, comme d’hab) dans le rôle du père de la victime, Rachel Weisz dans le rôle de la mère, et Susan Sarandon dans le rôle de la grand-mère déjantée.

Saoirse Ronan et ses yeux bleus, l'archétype de l'innocente victime

Ce qui frappe dans ce film, c’est tout d’abord le travail incroyable réalisé sur la couleur et sur la lumière. Il faut voir par exemple comment la jeune Susan est entourée d’un halo quasi angélique (on dirait Galadriel) ou comment le visage de l’assassin devient démoniaque et grimaçant juste à l’aide de quelques lueurs de bougies. Peter Jackson a fait là du bon boulot et il a évité les effets de mise en scène outranciers dont il est coutumier, en se contentant d’un travail sur les couleurs et les ombres au service de l’histoire. Il arrive également à filmer l’émotion et les sentiments avec une subtilité qu’on ne lui connaissait guère jusqu’à présent.

Stanley Tucci dans le rôle du salopard de psychopathe

Moins réussis sont les passages des limbes célestes, gavés d’image de synthèse. C’est agréable à l’œil mais c’est  dégoulinant de couleur rose, de papillons et de de fleurs des champs. La voilà la guimauve ! En même temps, c’est le paradis imaginé par une fillette de 15 ans, ça se tient.

Au vu de la bande annonce, inquiétante et trépidante, je m’attendais à une enquête policière d’outre tombe, et une course contre la montre pour coincer le tueur avant qu’il ne fasse de nouvelle victimes. Et bien que nenni. De l’action il y en a très peu et le film se traine jusqu’à ce que la famille découvre l’identité du tueur (avec beaucoup de retard). Susan est un fantôme éploré et contemplatif, qui n’a aucune influence sur les évènements et n’arrive même pas à communiquer avec ses proches (elle n’a jamais vu de film où les fantômes écrivaient dans les miroirs de salle de bain ?)

un paradis un peu indigeste

Il faut donc oublier l’aspect film d’horreur/thriller et voir Lovely Bones comme une comédie dramatique et un film philosophique sur la famille,  la mort, le passage à l’age adulte, etc…. Or sous cet angle, Peter Jackson se révèle plutôt mou du genou et déroule son histoire laborieusement, non sans produire un ennui certain. Il faut dire qu’il y a déjà eu des films et même des séries sur ce thème (l’excellent Dead like me par exemple) et on ne peut que regretter que Peter Jackson ait laissé de côté la violence et le dynamisme de ses précédents films.

Restent quelques moments inoubliables, comme lorsque le tueur amène Susan dans le traquenard qu’il a conçu pour elle, ou lorsque Susan découvre qu’elle n’est plus de ce monde (ça fait penser à la fin de Silent Hill d’ailleurs). Peter Jackson est sans aucun doute un cinéaste virtuose mais il n’est pas encore très au point comme raconteur d’histoire.

Batman under the Red Hood : le Rouge et le Noir

La branche Animated de Warner Bros continue d’explorer l’immense gisement que constituent les DC Comics et ses héros bien connus (Batman, Superman, Wonder Woman, Green Lantern…). Étant donné les difficultés qu’il y a à monter des films avec de vrais acteurs, on ne peut que leur donner raison.

Sorti le mois dernier, Batman : under the Red Hood est une adaptation de la bd éponyme de Judd Winnick, où ce dernier imaginait une histoire très sombre autour de Jason Todd, le 2e Robin de Batman (et oui, il y a eu une succession d’au moins 5 Robin auprès de Batman !). Jason était un Robin impulsif et violent, qui fut tué à coups de pied de biche par le Joker. Une bien triste fin…

Robin est mort, c'est pas la joie...

C’est ainsi que s’ouvre Red Hood, par le meurtre brutal et traumatisant du jeune héros. On est loin de l’atmosphère des autres animés Batman de la Warner ! Ici le ton est sombre et gothique à souhait, le sang gicle et les psychopathes courent les rues.

L’histoire se poursuit 5 ans après avec un Batman solitaire et aigri, qui voit arriver un nouveau venu dans la ville : Red Hood est un aventurier masqué de rouge, qui ne recule devant rien pour faire imposer sa loi. Dans un premier temps il semble combattre le crime, comme Batman. Mais est-ce vraiment un justicier ? N’est-ce pas plutôt un nouvel ennemi pour Batman ? Et qui se cache derrière le masque ?

Red Hood : ami ou ennemi ?

On retrouvera avec plaisir la mythologie batmanienne, avec la participation du Joker, de Ra’s al Ghul, et de Nightwing (le Robin numéro 1 qui s’est mis à son compte). Le tout est joliment réalisé, avec des courses-poursuite et des combats assez vifs et un look qui se situe entre la série animée classique et les films de Christopher Nolan. Le Joker est violent et tordu à souhait, et fait franchement penser à celui de Heath Ledger, dans sa façon d’être tout à la fois monstrueux, amusant et imprévisible.

un Joker comme on les aime

L’histoire est à la fois dérangeante et captivante, et le ton est résolument sombre et adulte, bref que du plaisir avec ce Batman.

Voilà une petite perle gothique qui associe qualité du scénario et qualité de la réalisation, que demander de plus ! De quoi patienter en attendant un hypothétique Batman 3 par Christopher Nolan. Ce qui est sûr c’est que l’univers du Chevalier Noir est sacrément complexe et donne matière à bien des histoires. Des histoires très sombres forcément.

Batman et le Joker : toujours de vieilles rancunes