Archives mensuelles : mai 2010

Ridley Scott : Robin des Bois Begins

Le mythe de Robin des Bois a été abondamment traité, et il existe un bon paquet de films sur le sujet (le dernier en date étant Prince des Voleurs en 1991 avec Kevin Costner). Que raconter de plus et qu’est-ce qui a pu intéresser Ridley Scott dans ce projet ?

Le réalisateur a tenté plusieurs parti pris audacieux, qui tranchent avec les précédentes productions. Tout d’abord, son Robin est inscrit dans un cadre social et historique détaillé, de manière à présenter un Moyen-Age plus âpre et plus réaliste que ce que l’on voit généralement dans les films de cape et d’épée. Son Robin n’est pas le fringant justicier présenté naguère, mais plutôt un vétéran de guerre et un soudard qui n’est plus de première jeunesse. Même Lady Marianne a subi cette transformation, devenant une veuve de guerre et une maîtresse femme, qui a peu à voir avec une mijaurée qui se pâme devant un tournoi.

Robin Longstride et Lady Marianne : on est loin de l'imagerie habituelle

Autre changement radical : Ridley Scott ne s’intéresse pas à la sempiternelle lutte entre le hors la loi et le shérif de Nottingham mais plutôt à ce qui se passait avant. Qu’est-ce qui pousse un homme à devenir le chef d’une bande de hors la lois et à voler les riches pour donner aux pauvres ? D’où vient Robin des Bois ? Comme s’est constituée son gang de « Joyeux compagnons » ? Une nouvelle approche du mythe, qui n’est pas sans évoquer un certain Batman Begins dans l’approche…

Le tout est porté par un casting impeccable, avec Russel Crowe en Robin et Cate Galadriel Blanchett en Lady Marianne. Les vétérans William Hurt et Max von Sydow campent également des personnages inoubliables, de même que Oscar Isaac qui fait un excellent Roi Jean.

Sur le plan de la reconstitution historique, on ne peut que rester pantois et bouche bée devant la réalisation de Ridley Scott, qui montre une nouvelle fois qu’il peut nous plonger dans une époque lointaine et nous immerger complètement dans la vie quotidienne de nos ancêtres, tout en montrant des images d’une authenticité et d’une beauté troublante (les reconstitutions des villes anglaises au XIIIe siècles sont assez incroyables).

Londres au XIIIe siècle : une reconstitution incroyable

Au niveau de l’histoire, si le début du film et la mise en scène du siège du château de Chalus sont impressionnants de précision et de maîtrise, la suite s’enlise dans la monotonie, lorsque Robin est de retour en Angleterre et envisage de couler des jours paisibles aux côtés de Lady Marianne (on le comprend en même temps). L’histoire a d’ailleurs à ce moment-là un petit air du Retour de Martin Guerre, y compris dans la façon de filmer les gens simples de la campagne.  Le souffle épique reprend à la fin du film, lorsque Robin et le Roi Jean s’associent pour repousser une invasion française, et encore… il s’agit d’un bataille qui est bien vite expédiée.

Il ne s’agit donc pas d’un grand film épique comme l’excellent Kingdom of Heaven, mais plus d’un mélange de comédie dramatique et de film historique, avec des éléments de film social. On peut reprocher aussi à Ridley Scott plusieurs approximations historiques. Comme dans Kingdom of Heaven, le réalisateur veut nous montrer l’esprit d’une époque plutôt que la réalité historique (de toutes manières, on n’est pas sûr que Robin des Bois ait jamais existé).

Le film confond Philippe le Bel et Philippe Auguste (scandaleux !) et le sacre du Roi Jean est expédié en cinq minutes. On oublie que le prétendant au trône était Arthur de Bretagne, neveu de Jean, malheureusement âgé d’une douzaine d’années à l’époque. S’il est vrai que le roi de France essayait de récupérer les possessions de Jean, jamais il n’a tenté de débarquer en Angleterre; la guerre se tenait plutôt en Normandie, où le roi d’Angleterre avait des domaines.

le Prince Jean et sa nouvelle conquête, Isabelle de France

Le débarquement des Français dans Robin des Bois, qui n’est pas sans évoquer le débarquement des alliés dans Le soldat Ryan, est d’ailleurs un grand moment de n’importe quoi où les affreux Français se font massacrer comme des andouilles. Dans le genre délire scénaristique, la façon dont Robin a la révélation d’un idéal démocrate, et la manière dont il est devient tout à coup un meneur d’hommes, conseiller du Roi Jean, est quelque tirée par les cheveux, à croire que ce sont différents scénaristes qui se sont chargé du début et de la fin du film.

Robin part en guerre pour bouter les Français hors d'Angleterre

Ce qui est sûr, c’est que ces scénaristes n’aiment pas les Français, présentés tour à tour comme sournois, goinfres, stupides, barbares et totalement incompétents au combat. Enfin bon, c’est la règle du jeu que les Méchants du film soient les plus odieux et les plus repoussants possible.

Ceci dit, ce n’est pas la peine de bouder son plaisir, Robin des Bois est un bon film, très bien joué et très bien réalisé, et j’espère qu’un director’s cut viendra en atténuer les défauts. Décidément Ridley Scott est en très grande forme depuis quelques années, et j’espère bien qu’il va réaliser le nouveau film Alien, comme la rumeur le prétend…

Superman Lives : la version de Kevin Smith

Suite de mon enquête sur le film Superman que devait réaliser Tim Burton. On peut trouver assez facilement les différentes versions du scénario (par exemple ici : http://www.supermanhomepage.com/movies.php)

En 1996, le réalisateur de Clercks est sollicité par John Peters pour revoir le scénario du nouveau Superman. Ce passionné de comic books et de films de SF se lance avec enthousiasme dans l’aventure, malgré les exigences bizarres du producteur (pas de costume bleu et rouge, pas de Superman qui vole).

Kevin Smith

Kevin Smith au Chicago Theatre en 2009

Le script de Superman de Kevin Smith (31 janvier 1997)

Le début de l’histoire présente un flashback sur la planète Krypton : dans la salle du Conseil, Jor-El parle de l’instabilité du cœur de la planète et demande l’évacuation de Krypton. Il est contrecarré par Brainiac, une intelligence artificielle en qui les Kryptoniens ont toute confiance.

un concept art de Krypton : la classe !

Alors que la planète commence à exploser. Jor-El profite de la panique pour rejoindre son laboratoire, et demande à son serviteur robotique, l’Eradicator, de sauver son fils Kal-El et de le transporter sur Terre.

Brainiac, qui a pris l’apparence d’un gigantesque vaisseau spatial en forme de crâne, intercepte la navette de l’Eradicator, mais à ce moment-là, Krypton explose, permettant à l’Eradicator de s’échapper avec son précieux chargement.

un concept art du vaisseau de Brainiac

Une trentaine d’années plus tard, le vaisseau de Brainiac s’approche de la Terre et Brainiac prend contact avec Lex Luthor, à la grande frayeur de ce dernier. Les deux bad guys font la paix et discutent de Superman, en qui Brainiac reconnaît Kal-El. Brainiac pense que le Kryptonien est rendu invulnérable par le soleil jaune de la Terre.

Brainiac s’intéresse en fait surtout à l’Eradicator, qui est programmé pour dormir et ne s’éveiller que si Kal-El est en grand péril. En effet l’Eradicator est beaucoup lus avancé que Brainiac et celui-ci veut s’emparer de sa technologie. Depuis son vaisseau, Brainiac envoie sur Terre une sorte d’embryon dans le parc de Metropolis. Cet mbryon grossit et devient rapidement Doomsday, une monstrueuse et dévastatrice créature.

un concept art de Doomsday : pas une gueule de porte bonheur !

Alors que Doomsday commence à tout casser autour de lui, Brainiac envoie un satellite occulter la lumière du soleil, causant une éclipse artificielle. Superman commence à perdre ses pouvoirs et se voit malmener par Doomsday. A ce moment, la machine appelée Eradicator s’éveille en Antarctique.

Superman et Doomsday se terrassent mutuellement par un monstrueux coup de poing. Superman meurt et enterré en grande pompe, au grand désespoir de Lois Lane, qui était sa petite amie (et qui connait son identité secrète). Lex intervient juste après l’oraison funèbre de Batman et présente Brainiac comme le supérieur hiérarchique de Superman. Briainiac prétend que le bouclier solaire est un dispositif de camouflage, destiné à protéger la Terre d’une horde de barbares extraterrestres, dont Doomsday était un représentant.

Ce faisant, Brainiac fait surveiller de près le tombeau de Superman. Il espère en effet que l’Eradicator viendra récupérer le corps du justicier. C’est peine perdue, car ce dernier téléporte le corps de Superman grâce au S qu’il porte sur la poitrine. Superman se réveille dans sa Forteresse de Solitude, revêtu d’un costume noir inhabituel. L’Eradicator se présente à lui etlui  révèle que Brainiac  a été créé par Jor-El et que Brainiacl a détruit Krypton par jalousie.

Superman, privé de ses pouvoirs, persuade l’Eradicator de l’aider à secourir la Terre : ce dernier se transforme alors en armure de combat, permettant à Superman de retrouver ses pouvoirs.

concept art du "dark Superman"

Alors que Lois Lane découvre que l’invasion extraterrestre est un leurre et que la population commence à se révolter, Brainiac décide de leur donner une bonne leçon et attaque avec son vaisseau, commençant à détruire Metropolis.

A ce moment, Superman intervient, toujours revêtu de son armure noire. Il attaque le vaisseau de Brainiac et part à la rescousse de Lois, qui est retenue prisonnière avec Lex Luthor et menacée d’être exécutée par la ménagerie extraterrestre de Brainiac. (Lex est tombé en disgrâce, Brainiac le trouvait trop énervant)

Alors que le combat semble mal engagé pour Superman, L’Eradicator prend la décision de se sacrifier pour détruire le bouclier solaire. Une fois le bouclier détruit, Superman retrouve enfin ses pouvoirs. Il combat une monstrueuse créature arachnoïde et détruit Brainiac, déclarant juste après : « Est-ce que j’ai l’air fatigué ? Je me sens un peu fatigué »

Commentaire

Voilà un scénario qui présente des différences notables avec le Comic-book : présentation de Brainiac comme origine de Doomsday, pas d’autres superhéros dans l’histoire (à l’exception d’un passage avec Batman), un Superman privé de pouvoirs à cause de l’occultation du soleil…

L’histoire est construite de manière intelligente et le scénario est particulièrement bien ficelé par Kevin Smith, qui connait la mythologie kryptonienne sur le bout des doigts. Le tout ne manque pas de souffle épique et d’humour, et l’Eradicator aussi bien que Brainiac sont des frères ennemis particulièrement intéressants.

On se demande bien ce que Tim Burton a pu reprocher à cette histoire…  Ce qui est sûr est que le réalisateur n’est pas un grand fan de comic books (sa vision de Batman reste d’ailleurs très personnelle). Peut-être a-t’il voulu se libérer de la lourde mythologie kryptonienne pour faire « son » film.

En tout cas, même s’ils ne se sont jamais rencontrés, Kevin Smith et Tim burton ne se tiennent pas en grande estime et n’hésitent pas à s’envoyer des piques par interviews interposées.

Tout n’a pas été perdu pour Kevin Smith, puisqu’il a eu droit à une apparition dans Superman : Doomsday, le film d’animation adapté (très librement) du comic book d’origine.

Kevin Smith dans Superman Doomsday

Iron Man 2 : la gueule de bois aprés la fête

La plupart des suites fonctionnent sur une logique du toujours plus de combats, de monstres, d’explosions, d’effets spéciaux, etc… C’est assez logique puisque les premiers films sont souvent bridés au niveau budget et que les producteurs ouvrent le robinet à dollars pour une suite qui promet d’être rentable. Cette logique-là n’a pas été employée dans Iron Man 2 qui reste très léger au niveau du spectaculaire (à part 2 ou 3 morceaux de bravoure que l’on a déjà vu dans les bandes annonces).

L’approche a plutôt été celle de Batman : Dark Knight, à savoir la remise en cause et la désacralisation du héros. Après l’ascension, la chute.

Le problème est que Jon Favreau n’est pas Christopher Nolan. Comment s’intéresser à un justicier qui passe son temps à picoler, à draguer des top models et à s’apitoyer sur son sort ? Si le cabotinage de Robert Downey Junior faisait merveille dans le premier opus, cette fois c’est juste énervant, car il n’y a aucun challenge, aucune remise en cause.

une image qui résume assez bien le film

Stark se transformait en Iron Man pour s’échapper d’une prison terroriste, et sa débrouillardise forçait le respect, ainsi que sa rédemption morale (fini les ventes d’armes !). Désormais le justicier n’en branle pas une, s’exhibe dans des soirées jet set, et tout le monde connait son identité secrète.

Même le Méchant interprété par Mickey Rourke, pourtant impressionnant de présence menaçante, est sous exploité et il se contente la plupart du temps de ricaner en mâchant un cure-dent et d’obéir aux ordres. Le combat final avec Whiplash (son petit nom dans les comics) est expédié en quelques minutes.

Mickey Rourke est un Méchant qui fait peur, mais qui n'est trés efficace

Autre grosse déception, la présence (ou plutôt l’absence) de la Veuve Noire, autre personnage fameux, interprété par Scarlett Johansson (plutôt affolante dans sa combinaison noire). On ne la verra en action qu’à la fin du film, dans une petite bataille de couloir. Décidément on s’est bien foutu de nous !

Scarlett Johansson est la Veuve Noire, enfin pas souvent !

Iron Man 2 ressemble à un lendemain de fête et à une grosse gueule de bois qu’on va essayer d’oublier, en se disant qu’on n’y reviendra pas une 3e fois.