Archives mensuelles : mars 2010

The Descent Part 2 : tant qu’il y aura des gnomes

Sorti en 2005, The Descent, réalisé par Neil Marshall avait marqué les esprits et pouvait être consacré comme un bel exemple du renouveau du film d’horreur britannique. Dans ce film assez extrémiste (interdit aux moins de 16 ans quand même), un groupe de copines (un casting 100% féminin, c’est rare) partait faire de la spéléo dans les Appalaches. L’organisatrice avait l’idée lumineuse (enfin pas trop) de conduire ses copines dans un endroit totalement inexploré et en plus elle oubliait toutes les cartes dans la voiture ! Un éboulement finissait de perturber l’expédition et nos drôles de dames se retrouvait perdues dans un labyrinthe de tunnels étroits et oppressants.

The Descent 1 : (not) alone in the dark

Le film savait admirablement bien jouer de l’obscurité et de la claustrophobie qui sommeille en chacun de nous, ce qui était déjà assez éprouvant. Mais ce n’était pas tout !

La descente infernale se poursuivait avec la découverte inquiétante que les cavernes étaient habitées, et que les autochtones étaient d’affreuses créatures humanoïdes et cannibales. Le film prenait alors la direction d’un survival horror bien crado, avec gerbes de sang et petits règlements de compte entres amies. Ce qui était le plus effrayant, c’était pas les monstres mais les gentilles copines qui deviennent des guerrières assoiffées de sang ! La lutte pour la survie prenait des allures franchement inquiétantes.

The Descent 2 (réalisé en 2009 par Jon Harris, monteur du premier volet) est la suite de la version américaine, puisque dans la version européenne, il n’y avait pas de survivante. Le film reprend scrupuleusement toute la trame du premier opus : pourquoi se compliquer la vie alors qu’on peut reprendre le même scénario ? Une équipe de sauvetage et deux policiers décident d’explorer un peu les cavernes souterraines, accompagnée de Sarah, rescapée du premier film, qu’ils ont l’idée saugrenue de trainer avec eux. Un éboulement, des gnomes de caverne qui attaquent par surprise (enfin on les voit venir quand même), tout est conforme à ce qu’on a déjà vu.

un indigène cavernicole : fallait pas l'inviter !

Aucune innovation dans une mise en scène qui reprend toutes les idées du premier volet et qui va jusqu’à nous emmener dans les mêmes endroits et subir les mêmes traquenards. On peut être sûr que dés qu’un personnage est filmé de face, l’air inquiet, il y aura un truc qui bougera en arrière plan. On peut être sûr que dés qu’un perso explore les environs avec sa torche électrique, quelque chose va lui sauter dessus. Bref the Descent 2 c’est The Descent 1 sans l’effet de surprise, avec un équipe de personnages tous plus crétins les uns que les autres (quelle bonne idée de s’égosiller dans une caverne remplie de monstres !). Seuls quelques passage extrêmement gores et trash arrivent à stimuler la vigilance vacillante du spectateur, sur le thème « comment massacrer un gollum avec un objet pointu ».

deux survivantes en piteux état

Un film qui s’oublie vite, une suite sans aucun intérêt et qui n’apporte rigoureusement rien au film original. Espérons qu’il n’y aura pas un Descent 3 !

Massive Attack – Heligoland

Bon ça fait une semaine que je suis scotché par le nouveau Massive Attack et en particulier le titre Paradise Circus, avec la divine voix de Hope Sandoval. Le clip ci-dessous rend très bien l’ambiance étrange et irréelle de ce morceau. Il ne s’agit pas du clip officiel… La vraie vidéo est une critique de l’industrie pornographique, ce n’est pas aussi poétique !  Les images du « faux clip » sont tirées de The Fall, un film de l’indien Tarsem Singh (ce qui m’a fortement donné envie de le voir)

httpv://www.youtube.com/watch?v=O86iI7oXYfA

Paradise Circus (2010)

Massive Attack, c’est la légende du Trip Hop et de l’électro douce à écouter. Le groupe est né à Bristol, et sort en 1991 un album fondateur, Blue Lines. Il sera suivi de Protection (1994), Mezzanine (1998), 100th Window (2003) et finalement Heligoland (2010).

5 albums en 10 ans, on n’est pas dans une cadence de production infernale. Les Massive Attacks (qui ont du changer leur nom en Massive durant la guerre du Golfe) sont des artisans soigneux qui aiment travailler les sons et les ambiances et n’hésitent pas à inviter les plus belles voix à participer à leurs créations (Sinead O’Connor, Elisabeth Fraser, Hope Sandoval).

C’est hypnotique, relaxant, stimulant, étonnant, étrange, planant, inquiétant… Quand j’ai découvert Blue Lines, c’était le première fois que j’écoutais de l’électro sans avoir envie de me jeter par la fenêtre. Pas de Boum Boum qui fait vibrer les murs, mais des sons étonnants et des ambiances qui invitent au voyage et au rêve.

Heligoland est carrément le meilleur album de ce début d’année.

httpv://www.youtube.com/watch?v=7cL_1bmYCzs

Teardrop (1998)

httpv://www.youtube.com/watch?v=pS1YzUR3BYQ

Unfinished Sympathy (1991)

httpv://www.youtube.com/watch?v=Kf6xxjqPKmw

Protection (1995)

httpv://www.youtube.com/watch?v=tVoH6ZTDrD0

Special Cases (2002)

Cette entrée a été publiée dans musique, et marquée avec electro, massive attack, trip hop, le par .

Shutter Island : vent de folie

Quand Martin Scorsese, mythe vivant du cinéma américain, adapte un roman culte de Dennis Lehane, écrivain spécialisé dans les polars noirs et sans concession, on est en droit d’attendre quelques étincelles. Et on n’est pas déçu.

Martin Scorsese toujours plein d'activité

Faut-il encore présenter Scorsese ? New-yorkais originaire de Little Italy, Martin Scorsese a connu son premier grand succès en 1973 et marqué son époque avec des films de gangster ultra-violents (Mean Streets, Taxi driver, Les Affranchis, Casino, tous avec Robert DeNiro). Mais réduire Scorsese à ce type de film, c’est oublier qu’il s’est aussi lancé dans des projets surprenants et avant-gardistes : la comédie absurde avec After Hours, le film mystique avec La Dernière Tentation du Christ, la boxe avec Raging Bull, la comédie romantique et en costume avec Le temps de l’innocence, le film historique avec Gangs of New York… La liste est très longue et Scorsese possède toujours la même hargne et la même vitalité qu’à ses débuts. Contrairement à d’autres réalisateurs de sa génération, il continue à expérimenter et à vivre avec son temps, et nous a récemment proposé Les Infiltrés, un film qui prouve qu’il est très loin d’avoir pris sa retraite.

Dennis Lehane, l’écrivain qui a fourni à Scorsese le matériau de son dernier film, est un auteur qui s’est fait connaître avec Mystic River en 2003, le film très noir de Clint Eastwood. En 2007, Ben Afleck a adapté un autre de ses romans, Gone baby gone, un film également très sombre et qui n’a pas eu le même succès public.

Dennis Lehane est un bostonien d’origine irlandaise, à priori assez éloigné de l’italo-américain newyorkais qu’est Martin Scorsese. Et pourtant, leurs univers ne sont pas très éloignés. Lehane a écrit plusieurs romans policiers mettant en scène deux détectives à Boston, qui se trouvent confrontés à des horreurs défiant l’imagination. On lui doit récemment un roman historique sur les émeutes de Boston dans les années 20. Baptisé Un pays à l’aube (the Given Day en VO), c’est un livre qui fait mal et qui met le doigt sur des choses dont l’Amérique n’a pas lieu d’être fière, telle que la ségrégation raciale et l’oppression des pauvres gens.

Dennis Lehane et Martin Scorsese avaient sûrement des choses à se dire : il en ressort un film traumatisant et nerveux, Shutter Island, dont on ressort avec l’impression d’avoir pris un grand coup sur la tête.

Shutter Island raconte comment un marshall (Leonardo Dicaprio) mène l’enquête dans un sinistre ilot rocheux, qui tient lieu à la fois de colonie pénitentiaire et d’asile de fou. Une patiente a justement disparu mystérieusement et le marshall Teddy Daniels, ancien vétéran de la 2e Guerre et traumatisé par les camps de la mort allemands, se fait fort de révéler au grand jour les pratiques maléfiques qui sont menées par l’équipe de médecins sur des citoyens américains.

Teddy Daniels (Leonardo Dicaprio) mène l'enquête

Inutile d’en raconter plus… Shutter Island est un film au casting impeccable, porté par un Di Caprio maladif et au bord de la crise de nerfs, qui a manifestement beaucoup souffert durant le tournage. Depuis qu’il a perdu sa belle gueule de séducteur de midinettes, Di Caprio est devenu un acteur qui s’immerge complètement dans son rôle et force le respect.

Avec Shutter Island, Scorsese propose un film inspiré des films noirs d’autrefois mais livre aussi des expérimentations oniriques surprenantes lorsque le personnage principal se met à avoir des visions. La musique est stressante dés les premières images, le tonnerre gronde, les éclairs fulminent comme dans un vieux film de la Hammer et on se dit que Scorsese en fait un peu trop. Mais justement, l’exagération de la mise en scène prend tout son sens dans la dernière partie du film et reflète parfaitement l’état d’esprit du héros, dont le film raconte le parcours initiatique et désespéré.

Shutter Island, une prison dont il est difficile de s'échapper

Shutter Island n’est pas un film qui se termine bien, avec un justicier qui triomphe de ses ennemis et fait échouer des complots diaboliques. C’est là toute la force d’un sacré roman et d’un sacré film, qui se jouent des codes et des conventions pour mieux nous surprendre et nous renverser. Un sacré coup sur la tête.

J’espère maintenant que Scorsese va adapter Un pays à l’aube…