Archives mensuelles : décembre 2009

Avatar, le cinéma du nouveau millénaire

Il y a des films qui marquent d’une pierre blanche l’industrie cinématographique. 2001, Star Wars, Blade Runner, Jurassic Park, Starship Troopers, le Seigneur des Anneaux…  La liste est incomplète et tous ces films ont d’une manière ou d’une autre changé la façon dont on allait faire du cinéma de SF ou fantasy.

Avatar de James Cameron est sans aucun doute une révolution technologique et la porte ouverte vers de nouvelles sensations cinématographiques. Côté histoire, c’est pas mal, sans plus. Un bon spectacle familial pour les fêtes de fin d’année. J’attendais quelque chose de plus tranchant de la part du réalisateur d’Aliens mais James Cameron a changé et a délaissé les épopées guerrières pour la fable écologique, façon Miyazaki (mais en beaucoup moins subtil).

un des environnements fabuleux de la planète Pandora

Donc, pour ceux qui l’ignorent encore, Avatar raconte l’histoire de la planète Pandora, habitée par une race de géants bleus primitifs, les Na’Vi. Le sous-sol de la planète renferme des minerais qui intéressent fortement les Terriens mais il se trouve que les principaux gisements se trouvent sous les habitations et les sanctuaires des Na’Vi. L’atmosphère de Pandora étant toxique, les humains « pilotent » des avatars grandeur nature pour prendre contact avec les Na’Vi et les persuader de se laisser exploiter. Jake Sully, le héros de l’histoire, marine en fauteuil roulant, est choisi pour utiliser un des avatars et espionner les Na’Vi. Il est interprété par Sam Worthington, valeur montante des films de SF depuis Terminator 4. Lors de sa mission il rencontrera une belle princesse Na’Vi (Zoe Saldana, aperçue dans Star Trek) et on devine sans peine la suite.

Jake (Sam Worthington) et son avatar Na'Vi

Le reste de l’histoire est hautement prévisible, et évoque Princesse Mononoke ou Danse avec les loups. C’est une gentille fable écologique, avec des personnages bien caricaturaux et des rebondissements qu’on voit venir à des kilomètres. James Cameron n’a jamais été très doué pour raconter des histoires complexes et ses films valent surtout pas leur univers singulier et leurs scènes d’action époustouflantes.

Cameron explore depuis toujours les frontières du cinéma et ses films ont souvent été un prétexte pour tester de nouvelles techniques, et notamment l’utilisation d’images générées par ordinateur (voir la créature liquide dans Abyss en 1989, le T1000 de Terminator 2 en 1991 et la reconstitution du Titanic en 1998). Depuis Titanic, James Cameron s’est consacré à la réalisation de documentaires, a testé la 3D et a admiré le travail réalisé par ses collègues (le Gollum de Peter Jackson notamment).

Sam Worthington, Michelle Rodriguez et Sigourney Weaver : un casting en béton

Avatar est donc avant tout l’aboutissement d’un rêve, celui de créer une planète entière et ses habitants, et de proposer le premier film 3D de science-fiction. Et ça marche ! L’imagerie numérique a fait des progrès époustouflants et on n’arrive plus à discerner le réel de l’imaginaire. Les Na’Vi et leur aspect hyper réaliste sont le clou du spectacle. On sait bien qu’ils sont interprétés par des acteurs et que leurs mouvements sont générés en motion capture, mais je n’ai jamais vu autant de réalisme dans la texture de la peau et les mouvements des muscles. De plus on reconnait parfaitement les acteurs qui se cachent derrière les Na’Vi et la qualité d’interprétation est conservée (mention spéciale à Zoe Saldana). La forêt de Pandora est également époustouflante et sa flore lumineuse et colorée n’est pas sans évoquer celle des fonds sous-marins (un souvenir des documentaires aquatiques de James Cameron ?).

Jake et Neytiri (Sam Worthington et Zoe Saldana)

Zoe Saldana et Sam Worthington au naturel (source JustJared)

Avatar en 2D c’est impressionnant, mais alors en 3D c’est un vrai rêve de cinéphile. Se déplacer parmi les marines, chevaucher des reptiles volants, assister aux cérémonies des Na’Vi en totale immersion, c’est quand même assez incroyable. Il faut aussi ajouter que James Cameron joue très intelligemment de la 3D et n’utilisent jamais d’effets faciles, comme de nous balancer des trucs à la figure. C’est clair que ce film est techniquement révolutionnaire, même si ce n’est pas le premier film en 3D  (en 1995, Jean Jacques Annaud avait déjà fait du bon boulot avec les Ailes du Courage). Le plus impressionnant est que James Cameron arrive à créer de la matière et du relief à l’aide de choses qui n’existent pas (comme la faune de Pandora) et que c’est vraiment déconcertant. On a l’impression d’être à l’intérieur d’un jeu vidéo.

James Cameron sur le tournage d'Avatar

Voici quelques extraits d’un interview accordée par James Cameron au site Excessif : Relief et cinéma virtuel et le fond et la forme.

Avatar est certes un film, mais c’est plus que cela : c’est une expérience à part, à cause de la 3D principalement. Il y a une histoire, des personnages, de l’action, des sentiments, mais il y a également une proposition d’immersion totale. J’ai conçu ce projet pour emmener les gens sur une autre planète. Lorsque j’ai monté le film en 2D, j’ai vu que l’histoire fonctionnait tout aussi bien, mais je me suis aussi rendu compte que l’impact visuel n’était pas aussi puissant. [..] Et en cela, l’« Avatar Day » a été un bon moyen de faire prendre conscience aux différents acteurs de l’industrie, et notamment aux exploitants, que la révolution 3D était en marche et qu’elle allait changer la façon de voir un film en salles.

La surpopulation continue de croître, la consommation des énergies fossiles ne cesse d’augmenter, l’industrialisation de nos civilisations emploie de plus en plus d’énergie. Et puis, nous abusons de l’environnement naturel : nous pêchons largement trop dans les océans, la biodiversité va de mal en pis… On va passer un sale moment dans les vingt, trente prochaines années. Tout le monde, ou presque, a conscience de ces faits, et pourtant personne ne veut se confronter à cette atroce réalité et admettre la vérité suivante : notre façon de vivre ne peut plus durer. Il faut prendre ce problème à bras-le-corps dès maintenant parce que notre destin, en tant que race, sera de nous confronter à cette problématique d’une façon ou d’une autre. Et plus nous serons passifs quand cette confrontation surviendra, pire ce sera. Or, je pense qu’un grand film populaire contemporain, surtout s’il est aussi destiné aux enfants, doit permettre de passer un très agréable moment certes, mais tout en conduisant les spectateurs à réfléchir à ce genre de problème.

Saint Raphaël et la Corniche d’Or

Je n’ai pas les moyens de me payer un voyage aux Bahamas, j’ai donc opté pour le sud de la France. Une région dépaysante pour un auvergnat, avec du soleil et des températures douces. Si soleil il y avait, pour la douceur on pourra repasser. Entre le 10 et le 20 décembre, les températures sur la côte méditerranéenne ont chuté de 10 degrés et le vent n’arrangeait pas les choses. J’ai rarement eu aussi froid ! Un petit 5 degrés pour se balader au bord de la mer face à un vent glacial, c’est dur ! Heureusement la Provence offre des spectacles extraordinaires à voir.

Je me suis posé à Saint-Raphaël, station balnéaire située entre Saint-Tropez et Cannes et pratiquement fusionnée avec Fréjus. Disons-le tout de suite, Saint-Raphaël c’est pas très beau. Bien sûr il y a la mer et les palmiers, mais la ville est composée à 90% de résidences de tourisme sans âme et a perdu son identité provençale (comme pratiquement toutes les villes de la côte d’ailleurs). Pour trouver des vestiges de la vieille ville, il faut s’aventurer dans les petites rues et on finit par trouver des maisons et un marché qui ressemblent à quelque chose.

[googlemap lat="43.424879" lng="6.770377" width="300px" height="150px" zoom="13" type="G_NORMAL_MAP"]France[/googlemap]

Fréjus est également une ville résidentielle et touristique, qui n’a pas grand chose d’intéressant à offrir en bord de mer. Pour trouver un peu d’authenticité, il faut se rendre dans le centre historique et là on trouve une vieille église, des façades colorées, des rues piétonnes et des vestiges romains. Fréjus a su garder son cœur, loin des boulevards qui longent la mer et les plages.

marché de Noël à Fréjus

Sur toute la côte méditerranéenne, c’est la même histoire. Le littoral est bouffé par les résidences de tourisme, les villas et les villages de vacances et on aura beaucoup de mal à trouver la Provence de Giono ou Pagnol. De temps en temps on peut trouver des petits quartiers qui ont gardé un peu de charme d’autrefois mais c’est rare. Sainte-Maxime est un exemple de village encore un peu préservé. Quant à Cannes, c’est une vraie catastrophe. J’ai rarement vu une ville aussi moche et aussi prétentieuse. C’est un temple du Bling Bling, sans âme et sans classe.

Sainte Maxime : platanes et palmiers, le charme d'autrefois

Le voyageur aura donc intérêt à abandonner les villes de la côte et à s’intéresser à l’arrière pays. Justement Saint-Raphaël est coincé entre le massif de l’Esterel et le Massif des Maures, deux échines rocheuses qui se jettent dans la méditerranée et laissent voir des roches rouges et roses, couvertes de garrigue et de forêt méditerranéenne.

Le massif de l’Esterel est dominé par le Mont Vinaigre (614 m) et propose de nombreuses balades pour ceux qui en ont marre de la mer. On y trouve une forêt de chênes lièges, chênes kermes, arbousiers et pins parasols qui s’accrochent comme ils peuvent à la montagne. Les rochers déchiquetés se jettent dans la mer et génèrent de nombreuses calanques entre Cannes et Saint-Raphaël. Toute la région côtière s’appelle la Corniche d’Or (bien que les rochers soient plutôt cuivrés) et elle est peu épargnée par l’urbanisation, à l’exception du Cap Dramont, qui est une réserve naturelle.

le Cap Dramont et l'Ile d'Or (qui inspira Hergé)

Le Massif de l’Esterel est superbe mais sur sa partie est (du côté de Cannes) il a été abondamment colonisé et ça fait pitié de voir des villas s’incruster en flanc de montagnes comme des champignons ou des parasites. Je n’ai rien contre les petits villages provençaux et les vieilles maisons en pierre, mais voir toutes ces résidences de « Français d’en haut », qui défigurent la montagne, ça fait mal au cœur.

le massif de l'Esterel, au soleil couchant

le Mont Vinaigre et son Observatoire

Ces merveilles de la nature ne m’ont pas fait regretter mon voyage. La prochaine fois j’irai directement dans les montagnes plutôt que de perdre mon temps sur la côte. Au passage, période de Noël oblige, j’ai fait un tour par une foire au santons… C’est kitsch et très cher mais voilà une tradition qui perdure (même si la crèche religieuse ne doit plus beaucoup exister dans les maisons)

Une belle collection de santons

La Route : Highway to Hell

Cormac McCarty n’est pas un rigolo. Ses bouquins dépeignent souvent une Amérique cruelle et impitoyable, qu’il s’agisse de polars (No country for old men), d’histoires sur l’Ouest américain (Le Grand Passage) ou d’anticipation (La Route). Dans ce dernier, dont est adapté le film que je viens de voir, une catastrophe mystérieuse a réduit en cendres la civilisation américaine. De ce cataclysme on ne saura rien (justes quelques lueurs de flammes à travers les rideaux) et le propos n’est pas là.

Une douzaine d’années après la catastrophe, un homme (Viggo Mortensen) et son fils taillent la route dans des paysages dévastés, en direction du sud où ils espèrent trouver des cieux plus cléments. Ils doivent affronter la faim et le froid et surtout survivre aux bandes de pillards cannibales qui rodent en quête de nourriture.

bienvenue dans l'Amérique de Cormac McCarty

Le père fait ce qu’il faut pour survivre, dépassant souvent la limite qui sépare les « gentils » des « méchants », et s’efforce de préparer son fils à affronter l’horreur. Josua, son fils né quelques mois après la catastrophe, n’a jamais connu le monde d’avant, et joue le rôle de bonne conscience pour son père, l’empêchant de sombrer dans la sauvagerie.

Viggo Mortensen joue un homme prêt à tout

La Route est une œuvre dérangeante, qui montre ce qu’il y a de pire en l’être humain. Un livre noir, sordide, pratiquement sans espoir. Le film est du même tonneau, même si la violence n’est (heureusement) que suggérée. Le film dévoile des paysages de cendres, un univers dépourvu de la moindre couleur, et une ambiance pesante entrecoupée de grondements telluriques et de bruits sourds. Pas d’oiseaux, pas d’insectes car ils ont tous été décimés.

« J’étais sur la route toute la sainte journée » pourrait chanter Viggo Mortensen mais ce n’est vraiment pas le propos. Il y joue un survivant au look de clochard, émacié, fébrile et armé de sa seule volonté, métamorphosé et réellement habité par son rôle. On peut dire qu’il porte le film à bout de bras, secondé par les apparitions de quelques stars (Charlize Theron, Robert Duvall) tous aussi méconnaissables les uns que les autres.

La Route c'est aussi l'histoire d'un homme et d'un caddie

On est à contrecourant de tout ce que Hollywood tente de nous vendre en matière de survivant à l’apocalypse. Ici les personnages ne sont pas des héros cool roulant en 4×4 et pillant les boutiques de dvd (Will Smith dans Je suis une légende). La Route nous apporte une vision plus noire et plus réaliste de ce qui pourrait arriver. Et ça fait mal.

La Route est un film noir, à ne pas montrer à tout le monde (plusieurs personnes ont quitté la salle, choquées). Ce film démoralisant montre qu’il reste encore de vrais auteurs américains et de vrais prises de risque.